YOYAGE SANS FINFiap Paris
30 rue Cabanis 75014, Paris, FR
05.06.2025 – 29.08.2025



Commissaire de l’exposition : MO Junseok
Organisation : Fiap Paris
Conceptrices d’exposition : Mo Junseok
Partenariat : Association des Jeunes Artistes Coreens en France (AJAC)  
Conception graphique : KIM Jinuk 



Artistes

Demilé, GHEEM Sookyung, Ha Yoomi, HEO Sooyeon. HONG Sungyeon, IN Jeonghun, KANG Daye, KANG Seoyoung, KIDOWU, KIM  Haeun, KIM Jina,  LEE Hyewon, LEE Mareh,  LEE Seunghwan, LEE Songhee, LIM Hyojin,  MO Junseok, SON Jiyoung, YANG Youngyeon, YI Saehin, YOON Miji, Zion



Soutenu par :
Fiap Paris
30 rue Cabanis 75014, Paris, FR

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Voyage sans fin : une esthétique de l’enracinement mouvant  

Être radicant : mettre en scène, mettre en route ses racines dans des contextes et des formats hétérogènes ; [...] échanger plutôt qu’imposer. Nicolas Bourriaud¹

   Nous venons tous de quelque part. Mais aujourd’hui, la question « D’où viens-tu ? » importe peut-être moins que celle de « Vers où vas-tu ? ». L’artiste, lui aussi, ne reste pas figé dans une origine. Il est un être en déplacement, qui se recompose sans cesse. Le titre de cette exposition, Voyage sans fin, ne désigne pas simplement un mouvement dans l’espace. Il suggère une manière d’habiter le monde, une attitude face à l’identité : une logique alternative de l’enracinement.        Selon Nicolas Bourriaud, le radicant est un être qui ne pousse pas à partir d’un point fixe, mais qui déplace ses racines au fil de surfaces hétérogènes. Il ne s’installe pas, mais traduit, transforme, entre en contact avec l’inconnu. Or, traduire n’implique pas toujours transparence ni clarté. Comme le rappelle Édouard Glissant, une véritable relation commence non pas par la compréhension de l’autre, mais par l’acceptation de son opacité². Les artistes de cette exposition ne se présentent pas comme des identités lisibles. Ils vibrent, réagissent, et ouvrent dans la relation des espaces où de nouveaux sens peuvent advenir, discrètement.

    Le Fiap Paris, lieu d’accueil temporaire pour les voyageurs du monde entier, incarne ce paysage transitoire. Ni foyer fixe, ni simple passage, il devient ici une scène symbolique pour les trajectoires artistiques des vingt-deux artistes d’AJAC (Association des Jeunes Artistes Coréens). Leurs œuvres ne traduisent pas seulement un déplacement géographique vers la France, mais une reconfiguration constante de l’enracinement — une pratique artistique qui s’invente dans le mouvement même.  
    Ce déplacement est aussi esthétique : il reconfigure le regard, la matière, la mémoire, les affects. Les racines ne sont pas enfouies, mais posées, glissantes, prêtes à s’accrocher ailleurs. L’exposition en témoigne à travers une diversité de gestes artistiques qui, chacun à sa manière, reformule notre rapport au monde. Certains artistes reconfigurent l’espace vécu — qu’il s’agisse du foyer, du seuil ou du paysage — en repensant les modes d’habitation et de présence. D’autres engagent le corps, les matériaux et le geste dans une expressivité directe, presque performative. Certaines œuvres explorent la mémoire, l’intime et le silence, tissant des récits souterrains empreints d’émotion retenue. D’autres encore interrogent les formes mouvantes de l’existence contemporaine, entre humain et non-humain, organique et codé, dévoilant la complexité du sujet en mutation.

   Ces pratiques ne suivent pas une ligne directrice unique. Elles émergent d’un « ici et maintenant » sensoriel, dans une logique à la fois radicante (croissance par déplacement) et rhizomatique (connexion sans centre). Elles échappent aux catégories figées, fuient les structures closes : le geste devient image, la surface devient mémoire, le sensible devient récit. Ces œuvres incarnent un devenir, au sens deleuzien, une fuite féconde, une géographie en transformation constante. Elles partent d’un « ici », touchent un « ailleurs », et y reviennent sans jamais clore leur parcours. Le « voyage » ne boucle rien : il déploie une relation perpétuelle. L’exposition dépouille ce mot de ses clichés et nous conduit vers une question plus fondamentale : comment habite-t-on, ici, maintenant ?

    Voyage sans fin ne se réduit pas à l’idée d’un départ. Elle esquisse plutôt une manière d’exister ouverte — non par enracinement mais par résonance. Les racines des artistes ne rejoignent pas une origine unique. Elles s’inventent au contact des autres, à la surface d’une sensation, dans la contingence d’un moment. Ils ne « prennent » pas racine — ils la posent, comme du lierre qui glisse et pousse, en passant. Une telle pratique ne réduit pas l’identité à des étiquettes fixes, ni à une origine ou une nationalité. Elle ne vit que dans la traduction, dans la réponse, dans le contact. Et c’est dans cet intervalle que se joue l’éthique de l’art aujourd’hui. Cela rejoint ce que Glissant appelait une esthétique de la relation : non pas un partage d’identité, mais une résonance entre différences, qui n’a pas besoin d’un récit total pour exister pleinement.  
    Cette dynamique ne se limite pas au franchissement des frontières. Elle révèle comment l’art, au contact de l’autre, peut se déconstruire et se reconfigurer dans la relation. Le Fiap Paris, aux côtés de l’AJAC, accompagne cette interrogation en tant qu’espace à la fois physique et symbolique. Ceux qui y séjournent s’installent provisoirement, prêts à repartir. Pour ces êtres en mouvement, le voyage sans fin n’est pas une fatigue, mais une condition créative, une manière de se lier. L’exposition offre ainsi, dans les images, les gestes et les objets, une proposition sensible et puissante : celle d’un art qui parle en langage de parcours.

   Où prenons-nous racine ? Et surtout : poussons-nous encore ? Les œuvres réunies ici ne cherchent pas la profondeur unique. Elles glissent sur les couches du monde, bifurquent, s’accrochent à d’autres surfaces. Elles s’enfoncent dans la mémoire, effleurent l’inconnu, et enveloppent, au contact de l’autre, une nouvelle surface. Et dans ce mouvement — quelque chose pousse. Encore. 1. Nicolas

Bourriaud, Radicant. Pour une esthétique de la globalisation, Paris, Denoël, 2009, p. 23. 2. Édouard Glissant, Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990.


05/2025  SHIN Hwamin
Auteur et chercheuse en esthétique,
associée au laboratoire AIAC de l'Université Paris 8




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Numéro de dépôt : W75112992
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